COP 15 : quelle nouvelle donne ?
Episode 3 - Une longueur d’avance en France et en Europe
Bonne nouvelle : la France et l’Europe, à l’image de leur surreprésentation dans les événements de la COP15 de Montréal, sont en avance sur le front de la préservation de la biosphère et du vivant ! En creux, il était frappant de voir la quasi-absence des acteurs américains dans les couloirs de la COP15, malgré la proximité géographique des Etats-Unis.
En France, nous avons l’article 29 LEC (Loi Energie Climat votée en 2019), dont la première année de reporting fut 2021 pour publication au 30 juin 2022. Le législateur y demande une transparence presqu’équivalente (impacts, risques, stratégie et cible 2030) en termes de climat et de biodiversité : le retard paradoxal de la biodiversité sur le climat, illustré dans l’épisode 2 de cette chronique, s’amenuise et dans la loi française pour la finance, ce retard est théoriquement rattrapé ! Au niveau de l’Union Européenne, l’approche du Plan d’Action pour la Finance Durable de 2018 vise 6 objectifs environnementaux intégrant climat, ressources et biodiversité. La Directive CSRD, Corporate Sustainability Reporting Directive, qui en découle, remplace depuis le 3 janvier 2023 la directive sur le reporting extra-financier des entreprises, augmentant le devoir de transparence des entreprises en matière de durabilité environnementale et sociale. L’Accord de Kunming-Montréal, avec sa cible 15 visant les institutions financières et les grandes entreprises transnationales (cf. épisode 1 de cette chronique) apporte ainsi un soutien et un cadre mondial à ces deux initiatives pionnières !
Une opportunité pour Sycomore AM et pour nos clients
Chez Sycomore AM, nous avons abordé les sujets environnementaux de manière holistique depuis 2015. Biodiversité, climat, ressources : même combat, celui de la soutenabilité environnementale ! C’est également l’approche adoptée par la NEC, Net Environmental Contribution . Cela nous a permis d’en faire notre boussole opérationnelle dans la transition écologique depuis 2018 et notre cible quantifiée à horizon 2030 en tant que société de gestion, élément central de notre mission et de notre stratégie d’alignement biodiversité, intégrant le climat, publiée dans notre rapport article 29 de 2022 . Début 2023, nous avons mis à jour notre Stratégie Capital Naturel après examen par le Comité de Mission et vous y trouverez les informations relatives à notre gouvernance, notre stratégie, notre gestion des risques, nos indicateurs et nos objectifs, en matière d’environnement.
En pratique, dans nos produits financiers, nous proposons une approche intégrée des impacts sur la nature et discriminons :
les éco-solutions, détectées par des NEC positives jusqu’à +100%, qui incluent les solutions basées sur la nature, les solutions à moindre impact, l’économie circulaire ou les modes d’exploitation régénératifs ou moins destructifs, comme l’agriculture biologique ou la foresterie certifiée ;
des éco-obstructions, détectées par des NEC significativement négatives jusqu’à -100%, constituées des activités les plus impactantes, de facto les plus désalignés avec la durabilité environnementale : on y trouve l’élevage intensif, la pêche d’espèces menacées, la plus grande partie du transport aérien, une bonne partie du transport routier, les croisières, les pesticides chimiques de synthèse, les engrais azotés, la fast-fashion ou l’huile de palme.
Depuis 2015, notre produit phare en matière de biodiversité au sens large et intégrant le climat est Sycomore Europe Eco Solutions. Lancé 4 mois avant la COP21 Climat de 2015, il est devenu le premier fonds labellisé Greenfin en 2016, et au fils des ans, il a démontré sa capacité à délivrer une performance financière supérieure à son indice de référence, alors qu’en parallèle, il attirait de plus en plus de clients. Sa NEC moyenne a évolué historiquement autour de +45%, avec un objectif minimal en 2030 de +40%, adopté en 2022 dans le cadre de l’article 29 LEC. Depuis fin 2021, la gamme a été complétée par Sycomore Global Eco Solutions, dont la NEC évolue historiquement autour de +40%, avec un objectif minimal en 2030 de +35%. Le fonds Objectif Climat Actions 2 dédié à un groupe d’investisseurs institutionnels a une NEC autour de +30/+35% depuis son lancement fin 2020. A titre de comparaison, les NEC des indices de référence de ces trois fonds se situe entre -2% et 0%, score proche de la moyenne mondiale des NEC. Deux autres mandats ont rejoint la famille des produits concentrant les éco-solutions et ces 5 fonds représentent aujourd’hui 1 milliard d’€ d’encours sous gestion. Cette opportunité s’est donc déjà matérialisée au fils des ans pour nous et pour nos clients, et nous sommes convaincus que, dans le contexte actuel d’accélération, cette opportunité ne peut que se renforcer à moyen et long terme.
Le pouvoir méconnu de l'épargne
Le levier de l’épargne est souvent méconnu et sa puissance est souvent sous-estimée, mais épargner n’a rien d’un geste neutre. Et cela s’applique aussi à notre propre épargne. En effet, nous avons mesuré que plus de 99,9% de l’empreinte biodiversité et de l’empreinte carbone de Sycomore AM se trouvent dans les portefeuilles que nous gérons. Notre deuxième poste d’émissions de gaz à effet de serre, après les actifs sous gestion, est constitué de l’épargne salariale de nos employés. Ce poste est même supérieur à la somme de nos scopes 1, 2 et 3 amont ! Honnêtement, ce résultat nous a nous-mêmes surpris et nous a conduit à revoir en 2022 l’offre d’épargne salariale proposées à nos propres employés, ainsi qu’aux employés d’autres entreprises utilisant le FCPE Sycomore Actions. Grâce au travail de notre Direction Administrative et Financière mené avec notre partenaires ERES en 2022, la NEC du FCPE passera en 2023 de +8% à plus de +20%..
Une nouvelle donne pour les gérants d’actifs
Mais cette nouvelle donne va bien au-delà. Le contexte d’accélération, dont la cristallisation de l’Accord de Kunming-Montréal n’est qu’un signal parmi beaucoup d’autres, impacte notre cœur de métier en pointant trois sujets qui deviennent de plus en plus critiques :
Les risques physiques au sens de TNFD, Taskforce for Nature-related Financial Disclosures, vont continuer à augmenter : nous devons nous interroger en tant que société de gestion sur le rôle qu’ils jouent dans notre gestion des risques et dans nos stratégies d’investissement. Comment mieux les évaluer ? En quoi la mesure des impacts et des dépendances peuvent-ils nous y aider ? Comment mieux les intégrer ?
Le risque de transition devient également de plus en plus structurant pour juger de la durabilité d’une activité économique. Dans un monde qui rentre dans une démondialisation partielle, avec des tensions accrues sur les ressources énergétiques, minérales et agricoles, avec des pandémies plus fréquentes et où la santé environnementale devient un sujet sociétal mondial [1], notre gestion des risques ne peut pas être statique et nos stratégies d’investissement doivent continuer à s’adapter. Comment mieux détecter les activités qui posent question, comme la publicité, la junk food, les produits à courte durée de vie ou l’ultra-mobilité ? Ou celles qui sont piégées dans des chaînes de valeur condamnées à devenir des actifs échoués (« stranded assets ») sans durabilité environnementale ni sociale ?
Le pendant positif de ce cadre en tension est l’augmentation des opportunités sur le front des transitions. Comment mieux détecter les entreprises en transition, dont la NEC augmente et que nous appelons éco-transitions ? Comment mieux distinguer les vraies éco-transitions des status-quo peints en vert ? Comment mieux détecter les modèles économiques de l’adaptation au changement climatique, ceux de l’économie régénérative, du slow business et de la low tech ?
Un vaste programme pour les années à venir… au moins juste qu’en 2030, pour le relevé de compteur de la COP 15 ! D’ici là, nous continuons à travailler avec la NEC initiative et les autres utilisateurs experts de la NEC sur les tests de la nouvelle version en préparation pour 2023 : la NEC 1.1 ! Cette nouvelle version, très attendue par nos équipes, intégrera encore mieux les différentes pressions s’exerçant sur la biodiversité de manière plus quantitative et précise et sera un atout renforcé dans la mesure du risque de transition et la détection des solutions basées sur la nature !
[1] incarné notamment par le concept de « One Health », une seule santé .