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Experts
14 août 2020

L'avenir sera ce que nous en ferons


Jean-Guillaume Péladan
Senior Advisor Environment

« Ce que nous vivons en ce moment n’est rien de moins qu’un véritable miracle sociologique. Quelque chose d’incroyable est en train de se produire. Le monde ralentit », écrivait le philosophe Hartmut Rosa en plein confinement.


Ce que nous enseigne la tragédie du Covid-19 est avant tout un élargissement fulgurant de notre champ des possibles. Ce qui était encore inenvisageable il y a encore quelques mois est devenu une réalité, à l’image de ces quelques exemples : * Une volonté forte de protéger la vie de personnes vulnérables aux dépens de l’économie ; * Une décroissance mondiale qui n’est pas sans rappeler celle des guerres mondiales ; * Un contexte inédit qui fait ressortir les inégalités mais soulève par ailleurs un vent de solidarités ; * Une prise de conscience mondiale qui milite pour un comportement citoyen plus responsable et qui relance le débat d’une meilleure répartition des richesses ; * Une baisse des marchés boursiers en début 2020 plus rapide que l’effondrement de 1929… suivie d’un rebond presqu’aussi rapide ; * Une expérience forcée de sobriété engendrant une baisse drastique des pollutions d’origine humaine, et notamment des émissions de gaz à effet de serre.

La pandémie du Covid-19 pourrait changer la donne, en nous rappelant tout d’abord à quel point notre contrôle sur le monde est une illusion. Et la profonde crise économique initiée ouvre la porte à des voies jusqu’ici inexplorées.

Si la notion de business as usual doit être revisitée, notamment dans des secteurs pour lesquels la crise a purement et simplement conduit à un arrêt complet de l’activité -restauration, hôtellerie, événementiel-, le télétravail a fait ses preuves, ses vertus ayant convaincu même les plus sceptiques : plus grande flexibilité pour un meilleur équilibre vie privée / vie professionnelle, gain de temps de trajet, … Il est souhaité, voire souhaitable dans nombre de métiers. Par ailleurs, l’e-commerce a explosé. Si d’aucuns l’ont découvert, d’autres ne jurent que par lui et la survie de nombre d’entreprises repose sur ce canal de distribution désormais incontournable. Enfin, une chaîne d’approvisionnement plus courte est devenue un avantage compétitif.

Ainsi, de nouvelles façons de vivre se sont installées au moins temporairement, de nouvelles manières de travailler, plus immobiles, et de consommer plus saines, plus simples, plus locales, en écho au mouvement slow food$$Mouvement né en Italie dans les années 1980 devenu mondial aujourd’hui, cf. https://www.slowfood.com/fr$$ ou de la vie ralentie - slow life ? – que nous avons expérimentée.

Les plus cyniques nous disent que nous allons vite rattraper le temps perdu et que nous reprendrons rapidement notre course d’avant. Cependant nous pensons que des transformations majeures s’opèrent déjà et façonneront le monde de demain, et ce, pour trois raisons.

Premièrement, des épisodes pandémiques se reproduiront inévitablement. Nous avons organisé les conditions de leur émergence plus fréquente et de leur propagation plus rapide$$Pour une vision vulgarisée du sujet dans un format vidéo très sympathique, voir Les futures épidémies que nous vivrons - DBY #68 sur https://youtu.be/VJNt1AQ8p2A $$, notamment avec la forte progression de la biomasse d’élevage qui représente aujourd’hui 14 fois la biomasse des mammifères sauvages et 2 fois celle des humains$$Estimation en poids d’atomes de Carbone, issue de The biomass distribution on Earth, 2018, https://www.pnas.org/content/115/25/6506$$. Le récent rapport de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité précise de plus que « la science met en évidence de façon croissante des corrélations entre changements environnementaux globaux, perte de biodiversité et des services de régulation associés, et émergence, ou augmentation, de la prévalence de maladies infectieuses. Le risque zoonitique peut être accru par l'érosion de la biodiversité via des facteurs écologiques, épidémiologiques, adaptatifs et évolutifs, et anthropiques »$$Rapport de la FRB paru 15 mai 2020, https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35512-covid-19-biodiversite-frb.pdf$$. L’érosion de la biodiversité étant la limite planétaire la plus largement dépassée, nous sommes bien loin d’inverser le rôle de ce facteur aggravant.

Deuxièmement, le « retour à la normale » n’est pas souhaité par une majorité des citoyens et de dirigeants, de par le monde entier, sous des formes très diverses, mais notamment chez les jeunes à la recherche de nouveaux imaginaires, loin des inégalités que la crise amplifie encore et des aberrations de nos modes de vie ou de la mondialisation. Ce monde où, très souvent, ceux qui ont les emplois les plus utiles sont les moins bien rémunérés, l’instar du personnel soignant en première ligne, comme le pointe l’anthropologue David Graeber$$Bullshit jobs, éditions Les Liens qui Libèrent, 2018.$$. Partout dans le monde, des voix s’élèvent pour ne plus refaire comme avant$$Sycomore AM a rejoint par exemple l’European Alliance for Green Recovery en mai 2020.$$.

Troisièmement, nous avons assisté à la plus grande expérience jamais conduite d’évaluation à l’échelle mondiale de l’utilité sociétale des activités économiques. Chaque pays a classé ces activités entre celles qui pouvaient être arrêtées ou ralenties et celles qui devaient absolument être maintenues. Les résultats de cette expérience inédite laisseront des traces et elles nous sont d’ores et déjà très utiles pour évaluer la contribution sociétale des modèles économiques dans lesquels nous investissons. Les métiers non prioritaires - transport aérien, tourisme, mode, automobile, beaucoup de formes de loisirs et d’activités culturelles - ne peuvent plus revendiquer la même utilité sociétale que les activités jugées essentielles ou vitales, comme les utilities (énergie, eau, déchets, propreté), les télécommunications, l’alimentation, l’éducation ou la santé, et toutes les chaînes de sous-traitance qui les font tourner. Les métiers jugés de facto non prioritaires seront à nouveau touchés par les prochains états d’urgence qu’ils soient d’origine sanitaire, environnementale ou politique. Le confinement de l’économie va laisser des traces et, en tant qu’investisseur, nous avons beaucoup d’enseignements à tirer de ce stress-test mondial d’utilité.

Enfin, dans notre métier de la gestion d’actifs, la crise a révélé, en accéléré, la résilience des stratégies ISR authentiques et la pertinence des thématiques sociales, sociétales et environnementales que nous portons. Jouera-t-elle le rôle de catalyseur pour une finance utile et responsable ?
Contribuer à ce virage est au cœur de notre mission pour développer une économie plus durable et inclusive et générer des impacts positifs pour l’ensemble de nos parties prenantes.

En résumé, notre conviction est que cette crise ouvre une opportunité historique pour dessiner un monde plus agile, plus responsable, moins fébrile, qui place le capital humain et le capital naturel au cœur de ses arbitrages. Il est urgent de nous orienter collectivement vers des trajectoires différentes, loin du défunt business as usual et vers des sociétés plus écologiques et solidaires. Contribuer à ce virage est au cœur de notre mission pour développer une économie plus durable et inclusive et générer des impacts positifs pour l’ensemble de nos parties prenantes. Ainsi le monstre Covid pourrait nous ouvrir des opportunités historiques vers plus de solidarité, moins de frénésie, plus de sérénité, moins d’aberrations environnementales, en un mot plus de résilience pour tous... A l’horizon, mirage ou miracle… l’avenir sera ce que nous en ferons.

Cliquez ici pour accéder à notre ISR Way 13 dont est tiré cet article.


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