Lutte contre les PFAS : risques et opportunités d’investissement

La chasse aux PFAS est ouverte. Les députés ont adopté fin février une loi visant à réduire l’exposition de la population aux risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées. Sycomore AM salue le vote de ce texte qui, s’il ne va pas encore assez loin, prévoit leur interdiction pour plusieurs utilisations (textiles d’habillement, chaussures, cosmétiques et produits de fart pour les skis) à compter de 2026.
Alors que des risques importants perdurent, les investisseurs jouent un rôle clé pour accompagner les entreprises vers une désaccoutumance progressive aux PFAS et identifier les acteurs impliqués dans la lutte contre ces composés chimiques. Dans ce contexte, certains segments de la cote présentent selon nous un potentiel de création de valeur.
Plébiscités par les industriels depuis des décennies pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes ou encore de résistance à la chaleur notamment, les PFAS sont utilisés dans et pour la fabrication de nombreux produits, tels que les cosmétiques, les emballages, le textile, les produits électroniques ou encore les ustensiles de cuisine.
Ces « polluants éternels » ont la particularité de persister dans l’environnement, et pour certains, d’être très mobiles et transportés sur de longues distances. Ils se retrouvent dans l’air, l’eau et les sols, à la fois sur les lieux de production, d’utilisation et jusque dans les déchets, s’accumulant également dans les organismes vivants.
En 2023, un consortium international de journalistes a mené une grande enquête collaborative dans le cadre du Forever Pollution Project pour construire « une carte de la pollution éternelle » en Europe. Ils ont démontré que les PFAS, une vaste famille de plusieurs milliers de substances, sont omniprésents. Début 2025,ils ont estimé le coût de l’éradication de ce fléau à quelque 2 000 milliards d’euros au cours des vingt prochaines années.
Au-delà de l’impact sur l’environnement, l’exposition aux PFAS, à travers notamment l’eau et les aliments consommés, l’air respiré ou l’utilisation de produits en contenant, représente une menace invisible mais bien réelle pour la santé publique. L’Environmental Protection Agency (EPA) américaine dresse une liste probablement non exhaustive des dangers pour l’Homme, démontrés scientifiquement pour les substances ayant fait l’objet d’études approfondies : diminution de la fertilité, troubles du développement chez l’enfant, augmentation du risque de cancers et d’obésité, etc.
Un enjeu majeur de transparence
Encore trop peu d’entreprises communiquent des informations précises sur l’utilisation des PFAS dans la chaîne de fabrication de leurs produits et dans les produits eux-mêmes. Pourtant, nous considérons que les enjeux de transparence sont clés pour
permettre aux investisseurs de s’assurer du respect de la part des sociétés des contraintes règlementaires qui se renforcent de part et d’autre de l’Atlantique ces dernières années, mais également d’anticiper les risques associés aux PFAS.
Ainsi, les Etats-Unis et l’Union européenne ont déjà banni quelques-uns de ces composés chimiques (dont les PFOA et PFOS) et ont récemment défini des seuils de concentration dans l’eau, ciblant toutefois des substances différentes. Washington a de son côté introduit une obligation de reporting concernant la production et l’importation de PFAS, tandis que Bruxelles les a interdits dans certains produits alimentaires.
La nouvelle Commissaire européenne en charge de l’environnement, Jessika Roswall, s’est vue confiée par la Présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, la délicate mission de clarifier la position de l’UE sur les PFAS et finaliser les travaux de révision du règlement REACH entré en vigueur en 2007 pour encadrer la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie. Jessika Roswall a de son côté confirmé son intention d’œuvrer en faveur d’une interdiction des PFAS dans les produits de grande consommation.
Le rôle crucial des investisseurs
Alors que le renforcement des contraintes réglementaires et la vigilance accrue des parties prenantes nous paraissent clé pour la protection de la santé et de l’environnement, nous sommes convaincus de l’importance pour les investisseurs d’identifier l’exposition des entreprises et leur dépendance potentielle aux PFAS.
L’impact sera réel sur les processus de fabrication et la composition des produits, avec des coûts de mise en conformité possiblement élevés, en particulier s’ils n’ont pas été anticipés. Les entreprises encourent par ailleurs des risques sur les plans judiciaire et réputationnel en cas de contamination de l’environnement, d’apparition de maladies, ou de pratiques de marketing considérées comme trompeuses pour des produits labelisés « sains » mais contenant ces composés chimiques.
Le principe du « pollueur-payeur », introduit dans la loi sur les PFAS votée en France fin février, pourrait contraindre les entreprises à devoir s’acquitter de montants importants, en lien notamment avec la dépollution de sites. Plusieurs arrangements financiers ont par exemple d’ores et déjà été trouvés aux Etats-Unis ces dernières années dans le secteur de la chimie.
Dans ce contexte et alors que le sujet connaît une médiatisation croissante, nous appelons les entreprises à davantage de clarté concernant leur exposition aux PFAS et les moyens mis en œuvre pour la réduire. L’accès à des données fiables facilitera l’évaluation des stratégies de produits PFAS-free ou encore l’identification d’acteurs en pointe sur la recherche et la production de substances alternatives.
L’engagement actionnarial, élément clé de la stratégie d’investisseur responsable de Sycomore Asset Management, est un levier crucial pour accompagner le développement de modèles économiques durables, capables de répondre aux défis sociétaux et environnementaux actuels.
Des opportunités d’investissement
La lutte contre les PFAS impliquera nécessairement de nombreux acteurs du secteur privé, avec des perspectives attractives de croissance de leurs chiffres d’affaires en raison de l’ampleur de l’utilisation de ces substances depuis des décennies.
Certains segments pourraient ainsi bénéficier de cette tendance dans les prochaines années, à l’image des sociétés impliquées dans le conseil et l’accompagnement, les entreprises réalisant ou commercialisant des équipements de tests de pollution de l’eau et des sols de même que celles opérant dans le traitement des déchets dangereux ou la dépollution des sols.
Enfin, les sociétés spécialisées dans le traitement de l’eau et de liquides ou qui fournissent ces équipements auront un rôle majeur à jouer selon nous.