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Experts
3 juillet 2024

CEO Talk - Hubert Védrine : « Une nouvelle cohabitation nous ferait entrer dans l’inconnu »

Hubert Védrine, Ancien Ministre des Affaires Etrangères, est intervenu dans le cadre de notre conférence annuelle, le 20 juin dernier, sur le thème « Un monde multipolaire : l’Occident à l’heure des choix ». Il a apporté son éclairage sur les grands bouleversements à l’œuvre dans le monde, avec en toile de fond une évolution démographique qui rebat les cartes entre les pays, le compte à rebours écologique, le saut dans l’intelligence artificielle et la perte du monopole de la puissance pour les Occidentaux.


Hubert Védrine a connu trois cohabitations dont celle de 1993 à 1995 comme secrétaire général de l’Elysée et de 1997 à 2002 en tant que Ministre des Affaires étrangères. Quelques jours avant des élections législatives qui redessineront totalement le paysage politique français, il a livré son analyse sur une cohabitation qui s’imposerait au Président après une victoire du Rassemblement national ou du Nouveau Front Populaire.

Selon l’Ancien Ministre, une possible 4ème cohabitation ne ressemblerait pas au trois précédentes et nous ferait entrer dans l’inconnu, dans un contexte de vulnérabilité de la France qui affiche un niveau de dette élevé. « Elle sera beaucoup plus dure, sans doute ingérable », prédit-il. « Durant la 1ère cohabitation (François Mitterrand - Jacques Chirac), il existait un conflit pour prendre la place de patron mais pas sur le fond », souligne-t-il. « Au cours de la 2ème, Edouard Balladur ne remettait pas en cause la primauté de François Mitterrand mais il voulait appliquer son programme et lors de la 3ème, Lionel Jospin ne contestait pas le rôle clé de Jacques Chirac en tant que Président. »

Certains observateurs comparent la situation que pourrait connaître la France à celle qu’a connu l’Italie avec l’arrivée de Giorgia Meloni au pouvoir en octobre 2022. « Il me semble compliqué d’extrapoler totalement car elle a une relation étroite avec Mario Draghi [ancien président de la BCE et Premier ministre italien] », estime Hubert Védrine, pour qui « l’incertitude domine » tant que nous ne connaîtrons pas l’issue du scrutin, le 7 juillet prochain. « Le RN commence à édulcorer et à reporter certains points de son programme, ce qui n’est pas le cas du Nouveau Front Populaire », constate-t-il.

Eviter l’engrenage de la guerre

Au niveau mondial, la guerre commerciale qui oppose les Etats-Unis à la Chine pourrait connaître une escalade en 2025 en fonction du résultat de l’élection présidentielle outre-Atlantique. Les Américains voudraient entraîner les Européens dans un bras de fer contre Pékin mais ils résistent. Sur ce point, Français et Allemands se rejoignent et s’accordent pour renforcer leur vigilance quant aux mesures prises par la Chine. Toutefois, ils refusent d’être pris dans un engrenage.

Par ailleurs, l’Europe de la défense est encore loin de se concrétiser. « Il ne faut pas commencer par la défense mais plutôt par réduire la dépendance dangereuse du Vieux Continent aux puissances extérieures », estime Hubert Védrine qui cite l’exemple des médicaments fabriqués en Inde et en Chine, une problématique mise en exergue au cours de la période Covid.

L’Europe doit néanmoins faire face au retour de la guerre à ses portes, avec un conflit russo-ukrainien qui s’enlise. « Les Américains ont eu tort, par désinvolture ou arrogance, de ne pas régler la question de l’Ukraine dès les années 1990 en intégrant Moscou dans un vaste ensemble de sécurité européen », regrette l’ancien Ministre. Il considère que l’hypothèse d’une victoire de l’Ukraine est peu crédible malgré le vote du plan d’aide américain de 61 milliards de dollars à Kiev. A l’inverse, il n’est pas exclu que la Russie l’emporte après de longs mois de guerre d’usure. « Un pays tiers, comme la Turquie ou la Chine, pourrait être à l’origine du démarrage de négociations », souligne Hubert Védrine.

Les entreprises, maillon essentiel de l’« écologisation »

Pour évoquer la lutte contre le dérèglement climatique, « l’écologisation me paraît le terme le plus adéquat car il s’agit d’un processus », selon Hubert Védrine. « Le débat porte sur le rythme, les modalités, l’accompagnement », ajoute-t-il, constatant « un décalage entre les pays européens et les autres » bien que certains évoluent dans le bon sens, à l’image de la Chine, « climato-sceptique il y a encore 30 ans ». L’ancien Ministre plaide pour intégrer les pays producteurs de pétrole pour accélérer la transition. A ce titre, il salue la tenue de la COP 28 à Dubaï aux Emirats Arabes Unis et le chemin qui s’est dessiné hors des énergies fossiles.

« Les entreprises, plus raisonnables que les partis politiques, sont essentielles dans le processus d’écologisation », considère Hubert Védrine. « Dans le monde de l’économie, si on ne fait pas preuve de réalisme, on est balayés », conclut-il.


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