Après un des plus rapides cycles de hausse de taux de l'histoire, la Fed et la BCE se remettent à rassurer. Y parviennent-elles vraiment ?
Alors qu’elle relevait jusqu’alors ses taux directeurs sur un pas de 50 points de base, la Fed vient d’annoncer une nouvelle augmentation de 25 points de base seulement. De l’autre côté de l’Atlantique, la BCE a choisi de maintenir son rythme de croisière, avec une nouvelle hausse de 50 points de base annoncée la semaine dernière, mais l’a accompagnée d'un discours rassurant, notamment sur la stabilité du système financier.
La semaine dernière, la BCE a choisi de réaffirmer la priorité donnée au combat contre l’inflation, avec une nouvelle hausse de taux de 50 points de base. En effet, si le pic d’inflation nominale semble derrière nous grâce à la baisse des prix de l’énergie, l’inflation cœur – qui ne tient pas compte des prix énergétiques– poursuit sa hausse. Elle atteint désormais 5,6% en zone Euro, quand l’objectif de la banque centrale est à 2%. C. Lagarde ne peut donc légitimement pas se permettre de cesser d’augmenter ses taux.
Aux Etats-Unis, la situation est différente : le pic est passé, tant sur l'inflation nominale que sur l'inflation cœur. C’est la raison pour laquelle la Fed a déjà amorcé un ralentissement de la hausse de ses taux directeurs et se dirige progressivement vers la fin de son cycle de hausse, qui devrait se solder, non pas par une baisse, comme vient de le réaffirmer J. Powell, mais par une pause. Elle pourrait d’ailleurs être plus longue que prévue, probablement douze mois contre six historiquement, amenant un retournement de cycle à la baisse à partir de la fin du premier trimestre 2024.
Des banques centrales « data-dependant »
Alors que les cycles des banques centrales – dans le resserrement comme dans l’accommodation – étaient historiquement toujours assez longs, le contexte semble contraindre à des comportements beaucoup moins binaires. En effet, aussi bien aux Etats-Unis qu’en zone Euro, les banques centrales ont réaffirmé se tenir prêtes à intervenir. Elles pourraient être amenées à se montrer de nouveau accommodantes, mais de façon ponctuelle, en fonction des événements qui affecteraient le système financier et économique.
Ces dernières semaines, elles sont donc sur le qui-vive pour réagir à un éventuel nouvel événement de crédit ou de liquidité sur une banque. Si la situation le nécessitait, les autorités financières pourraient ainsi décider de dégager des facilités de prêts, ou bien choisir éventuellement de garantir les dépôts (mais cela ne semble pas être le scénario privilégié). La Fed a d’ores et déjà autorisé de nouvelles facilités d’emprunt, qui ont d’ailleurs largement contrebalancé le resserrement de bilan que la banque centrale avait amorcé il y a quelques mois.
Si les banques centrales cherchent aujourd’hui à rassurer plutôt qu’à sanctionner, elles ont conscience que la poursuite de la hausse de leur taux ne pourra qu’accroître le différentiel de rémunération qui s’est créé entre le marché monétaire, qui rémunère actuellement à 4,5% aux Etats-Unis, et les dépôts bancaires dont le taux de rémunération n’est qu’à 0,50%. C’est ce différentiel qui a amené de nombreux investisseurs, par opportunisme, à sortir leur argent des dépôts pour le placer sur les marchés monétaires. Conséquence pour les banques : de moins en moins de liquidité. Un phénomène qui peut rapidement créer un problème de solvabilité pour des banques régionales moins bien capitalisées. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour la Sillicon Valley Bank.
Constat et perspectives de marchés
Pour le moment, le marché ne croit pas à une contagion généralisée sur le système bancaire : si c’était le cas, le marché actions serait descendu beaucoup plus bas et aurait baissé beaucoup plus vite. Néanmoins, le marché manque de visibilité : ces dernières semaines, il passe sans transition d’une séance qui porte les valeurs défensives, à une séance qui favorise les valeurs cycliques. Les récents événements ont en effet remis en cause la conviction de ce début d’année qui laissait penser que l’on n’aurait finalement pas de récession en 2023, et qui voyait alors les valeurs cycliques surperformer. Cette tendance est beaucoup moins marquée depuis les problématiques sur le système bancaire et la perspective de la fin du cycle de hausse de taux, qui laisse penser que l’on s’approche d’une récession dont on ne connait pas la force.
Deux scénarios se dégagent donc :
Les indicateurs économiques se trompent et l’on ne se dirige pas vers une récession : le « soft-landing », voire le « no-landing » est réussi, et il faut donc continuer de privilégier les valeurs cycliques, d’autant plus qu’elles ont rendu de la performance suite aux turbulences bancaires.
La récession va se matérialiser cette année et il vaut donc mieux favoriser les valeurs défensives – des secteurs comme la santé, la consommation de base, l'alimentaire, etc, ainsi que les bilans massifs et solides comme les mega caps américaines dites GAFAM.
Même si ce scénario semble moins évident ces dernières semaines, nous sommes toujours convaincus qu’il n’y aura pas de récession généralisée en 2023 et que, si elle devait se matérialiser, ce ne serait pas avant le début d’année 2024, et concentrée sur les Etats-Unis. D’ailleurs, si le marché prend une tendance plutôt défensive, il peut être intéressant, en contrariant, de se replacer les cycliques, sur lesquelles se sont dégagées de nouvelles opportunités sur les dernières séances.
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